Nous mettons à profit notre dernier jour à San Pedro de Atacama pour finir de préparer la traversée des hauts plateaux boliviens. Pour cela, nous pouvons compter sur LE pdf, un document écrit par de valeureux cyclotouristes qui détaille la légendaire traversée, pas à pas. A sa lecture, nous estimons qu’il nous faudra 7 jours pour atteindre Alota, le premier« village ». Ce sera donc 7 jours d’autonomie en nourriture…ce qui donne la liste de course suivante :
-6 kg de flocons d’avoine
-2 kg de sucre
-9,6kg de pâtes (soit 24 paquets de 400g.)
-7 paquets de Parmesan
-300 cl. d’huile d’olive
- 4 tablettes de chocolat
-52 barres de céréales
-6 pommes
-8 mandarines (« c’est pas que j’aime pas les pommes, je suis allergique », dit Pierre)
-et de quoi faire un pique-nique froid le premier midi
Après avoir fait nos adieux à Carlos et sa famille, et être passés à la douane, nous prenons la route. Le ciel est dégagé, le soleil brille haut dans le ciel et l’on voit au loin se dessiner l’imposante silhouette du volcan Licancabur.
Heureusement pour nous, l’asphalte est excellent et la pente est régulière. Rapidement nous tirons la langue, et l’effort se fait plus difficile à mesure que l’oxygène se raréfie sous l’effet de l’altitude. Nous buvons avec application notre thé à base de feuilles de coca, censé combattre le mal d’altitude, mais rien n’y fait : la tête nous tourne et le souffle est court. Alors, faute de respirer à notre aise, on serre les dents, on se met « Comme un homme » de Mulan dans les oreilles, et on appuie sur les pédales.
La Bolivie qui se dévoile sous le soleil levant nous fait oublier d’un coup de baguette magique nos petits tracas de la veille. Les tempes cognent encore, nos estomacs font grise mine, et nos doigts congelés se crispent sur nos guidons, mais les sommets enneigés et les collines ocres nous font si bon accueil que c’est tout émerveillés que nous pénétrons dans la Reserva Nacional de Fauna Andina Eduardo Avaroa.
La nuit se retire en laissant derrière elle une flopée de nuages gris et un beau manteau blanc sur les montagnes qui nous entourent. On troque la crème solaire pour les gants et les bonnets et on se lance à l’assaut des geysers Sol de Mañana qui culminent à 4900 mètres.
Nous sommes sur pieds à 6h pour les geysers, et le spectacle vaut amplement l’odeur d’œuf pourri qui a embaumé notre après-midi de la veille. De grands cratères laissent s’échapper des jets de vapeur d’eau, comme de gigantesques cocottes-minute. En se penchant sur les orifices, on peut voir au fond une boue grise qui bouillonne et cloque à la surface.
L’étape du jour commence par un détour par le mirador de la Laguna Colorada. Celle-ci s’est transformée depuis la veille : sous l’effet du soleil, les montagnes alentours y miroitent alors que des centaines de flamants roses s’adonnent librement à la pêche à la crevette.
Au loin, des éclairs commencent à pleuvoir. C’est magnifique et effrayant à la fois : on est quand même les seuls points mobiles à 4500 mètre d’altitude, et la foudre tombe à moins d’un kilomètre de nous ! Goulven essaie bien de nous rassurer en racontant une sombre histoire de « cage de Faraday » (théorie selon laquelle le vélo nous isolerait des champs électriques… ce qui s’avère faux après vérification !) mais on appuie quand même un peu plus fort sur les pédales.
Faute de coup de foudre, c’est une averse de petits grêlons qui nous tombe sur le coin du guidon et refroidit nos ardeurs. Nous sommes bien heureux d’arriver au campement et de nous mettre au chaud sous les tentes, libres de contempler les flashs électriques à travers le double-toit.
Comme chaque jour, ou presque, les averses de la veille laissent place à un temps superbe lorsque nous nous levons et c’est plein d’entrain que nous rejoignons l’Hotel del Desierto pour remplir nos bouteilles d’eau. De là, nous gagnons un petit col à 4700m : ce sera la dernière fois que nous montons aussi haut.
C’est le grand jour ! Celui du retour à la civilisation ! Nos provisions se sont bien amoindries depuis San Pedro et il est temps d’arriver à Alota.
L’étape commence par un petit col de 30 kilomètres de désert. La route se compose alternativement de sable et de gros cailloux qui rendent la progression lente. Puis soudain, tout change ! Nous arrivons sur la « piste internationale » : une route large de terre battue qu’empruntent notamment de gros camions miniers. C’est pas de l’asphalte mais n’empêche : le compteur affiche de nouveau une vitesse supérieure à 20 km/h, les sacoches cessent de couiner le long de nos porte bagage et on peut regarder le paysage tout en roulant sans se prendre un nid de poule !
« Ah, nous ne sommes plus qu’à 140 kilomètres d’Uyuni, et c’est de la bonne piste en plus ! On peut facilement rouler 100 kms aujourd’hui ! ». Hélas,en Bolivie, il ne faut jamais trop se réjouir semble-t-il, car la pluie de la veille a transformé notre superbe « route internationale » en une piste boueuse sur laquelle les cochons pourraient aisément faire un concours de ventriglisse… Après une poignée de kilomètres, les vélos s’embourbent sérieusement. On pousse, on tire, mais rien n’y fait, la terre mouillée bloque les roues et on maudit ces garde-boues qui gardent si bien la boue.
Comme si tout devait se compenser, cette étape qui finit si bien commence bien mal ! La roue avant de Romain est à plat lorsqu’il se réveille, une savonnette pour faire la lessive s’est malicieusement glissée parmi les flocons d’avoines donnant au petit déjeune un abominable goût de lavande, et il semblerait que 2 membres de l’équipe soient finalement atteints de la « tourista »…
Peu importe ! On répare, on mange en respirant par la bouche et on fait ce qu’on a à faire car aujourd’hui, nous sommes à 51 kilomètres d’Uyuni !
Nous avalons, motivés comme jamais, cette courte distance et arrivons en ville à l’heure du déjeuner. Après une assiette bien remplie achetée au marché, nous savourons une bonne douche chaude à l’hôtel : quel bonheur !
Pour voir encore plus de barbus malodorants, prière de se référer à la galerie photos !